Un enseignement supérieur de qualité au delà des frontières :
Déclaration au nom d'établissements d'enseignement supérieur dans le monde entier
(Note au lecteur : Ce document, préparé par l’Association internationale des Universités (AIU), l’Association des universités et collèges du Canada (AUCC), l’American Council on Education (ACE) et le Council for Higher Education Accreditation (CHEA), a été distribué aux associations regroupant les établissements d’enseignement supérieur du monde entier en version préliminaire, de mai à septembre 2004, afin de recueillir leurs commentaires. La présente version tient compte de ces commentaires.)
Enjeu
La tradition universitaire d'échanges de personnel et d'idées entre pays contribue depuis longtemps à l'atteinte des objectifs culturels, sociaux et économiques de la société. Au cours des dernières années, il y a eu une multiplication impressionnante des initiatives d’enseignement supérieur au delà des frontières. Cette multiplication a été caractérisée par deux tendances dominantes. La première est la nécessité croissante pour les établissements d’enseignement supérieur de s’internationaliser, c’est à dire d’intégrer une composante internationale ou interculturelle aux activités d'enseignement, de recherche et de service à la communauté, afin d’accroître leur excellence académique et la pertinence de leur contribution aux sociétés. Les établissements d’enseignement supérieur ont beaucoup d’expérience dans ce domaine et leur collaboration avec leurs homologues du reste du monde s’accroît rapidement.
La seconde tendance est l’augmentation des activités axées sur le marché, poussées par la hausse de la demande en matière d'enseignement supérieur à l'échelle mondiale, la baisse du financement public dans de nombreux pays, la diversification des fournisseurs de programmes d’enseignement supérieur et les nouvelles méthodes de prestation des services. C’est précisément la poussée de cette seconde tendance ainsi que les questions complexes qu’elle soulève qui a incité la création du présent document.
La portée, la complexité et l’ampleur des activités transfrontières [1] créent de nouveaux enjeux et intensifient ceux qui existent déjà. Les principaux sont le besoin a) de garantir les diverses contributions culturelles, sociales et économiques globales de l’éducation supérieure et de la recherche, particulièrement à la lumière du rôle essentiel qu’elles jouent dans la société contemporaine fondée sur le savoir; b) de protéger les intérêts des étudiants et de faciliter leur mobilité; c) de renforcer la capacité des pays en développement d’améliorer l’accès à une éducation supérieure de qualité, surtout à une époque où l'écart se creuse entre les pays industrialisés et les pays en développement en matière de ressources et d’accès au savoir et; d) de préserver la diversité linguistique et culturelle au sein des programmes d’enseignement supérieur.
Le présent document s’appuie sur la conviction que les seules forces du marché sont inadéquates pour garantir que l’enseignement supérieur au-delà des frontières contribue au bien collectif. Il jette donc les bases de cadres stratégiques justes et transparents pour la gestion de l’enseignement supérieur au-delà des frontières, qui sont sous-tendus par un ensemble de principes directeurs et le recours au dialogue entre les parties intéressées. Ces cadres devraient aborder les enjeux auxquels nous faisons face dans l’élaboration et la participation à l’enseignement supérieur de qualité au-delà des frontières pour le bénéfice de tous, et faire en sorte que la contribution au bien collectif de l’enseignement supérieur au-delà des frontières n’est pas sacrifiée au profit d’intérêts commerciaux.
Auditoires
Cette déclaration s’adresse donc à deux auditoires : (1) les établissements d’enseignement supérieur et autres fournisseurs [2] ainsi que leurs associations non gouvernementales de partout au monde et (2) les gouvernements nationaux et leurs organisations intergouvernementales. Elle trace les grandes lignes des principes qui, selon les signataires, devraient guider les initiatives des établissements en matière d’enseignement au delà des frontières ainsi que les politiques et les positions gouvernementales dans le cadre de négociations commerciales. Elle recommande également des mesures précises qui renforcent ces principes.
En appuyant cette déclaration, les associations d’établissements d'enseignement supérieur énumérées à la fin de ce document manifestent leur intention a) de promouvoir chez leurs établissements membres des politiques et des pratiques fondées sur les principes et les mesures mises de l’avant dans la déclaration; b) de collaborer au niveau international afin de mettre en œuvre de tels cadres stratégiques; c) d’établir un dialogue avec leurs gouvernements et organisations intergouvernementales respectifs afin que les politiques et pratiques nationales et internationales favorisent l’application de ces principes et concrétisent ce plan d’action.
Principes pour l’enseignement supérieur au delà des frontières
Nous sommes convaincus que les activités transfrontières peuvent contribuer de façon substantielle à l’amélioration de l’enseignement supérieur, à condition qu’elles soient mises sur pied et offertes de façon responsable et efficace. Par conséquent, nous formulons les principes ci dessous afin de guider les mesures prises par tous les intervenants nommés dans la présente déclaration.
• L’enseignement supérieur au delà des frontières doit s'efforcer de contribuer au bien être économique, social et culturel général des collectivités.
• Bien que l’enseignement au-delà des frontières puisse circuler dans diverses directions et prendre place dans divers contextes, il doit renforcer la capacité des pays en développement en matière d'enseignement supérieur de façon à promouvoir l’équité à l’échelle mondiale.
• En plus de fournir une expertise disciplinaire et professionnelle, l’enseignement supérieur au delà des frontières doit s'efforcer d'inculquer aux apprenants la pensée critique sur laquelle reposent les principes de responsabilité civique aux échelons local, national et mondial.
• L’enseignement supérieur au delà des frontières doit être accessible non seulement aux étudiants qui ont les moyens de payer, mais aussi aux étudiants qualifiés qui ont des besoins financiers.
• L’enseignement supérieur au delà des frontières doit satisfaire aux mêmes normes élevées de qualité en matière d’enseignement et d’organisation, peu importe où l’enseignement est offert.
• L’enseignement supérieur au delà des frontières doit rendre des comptes au public, aux étudiants et aux gouvernements.
• L’enseignement supérieur au delà des frontières doit accroître les occasions de mobilité internationale pour les professeurs, les chercheurs et les étudiants.
• Les établissements d’enseignement supérieur et autres fournisseurs de d’enseignement supérieur au delà des frontières doivent fournir aux étudiants et aux parties intéressées de l’information claire et complète sur l’enseignement qu’ils offrent.
Recommandations pour les établissements d'enseignement supérieur et autres fournisseurs
En nous appuyant sur ces principes, nous endossons le programme d'action suivant pour qu'il soit adopté et mis en œuvre et par les établissements d'enseignement supérieur et autres fournisseurs qui participent à l'éducation au delà des frontières. Dans le but de bénéficier au mieux de l'expérience passée, les activités de mise en œuvre doivent reconnaître et, s’il y a lieu, mettre à profit les instruments juridiques, les énoncés de principes, les tribunes de débat et les initiatives qui sont conformes à ces principes et qui encouragent davantage la recherche et de dialogue sur les politiques [3].
• Se tenir au fait des questions liées à l’éducation et au commerce au delà des frontières afin de contribuer aux échanges qui ont lieu entre les associations et la participation de leurs associations à un dialogue constructif avec les gouvernements.
• S'efforcer de faire en sorte que l'enseignement supérieur au delà des frontières soit, de façon générale, socialement et économiquement bénéfique pour les collectivités du pays d’accueil, qu’il soit respectueux des cultures dans son approche et son contenu et qu'il contribue à renforcer la capacité locale en matière d'enseignement supérieur, par exemple, en collaborant, lorsque c’est opportun, avec les établissements locaux.
• Améliorer l'accès aux cours et aux programmes en offrant de l’aide aux étudiants qualifiés provenant d’autres pays qui ont des besoins financiers.
• Obtenir, de la part du gouvernement ou des organismes compétents [4] des pays d'origine et des pays d'accueil, l'autorisation appropriée pour diriger un établissement d'enseignement supérieur. Parallèlement, les gouvernements et les organismes compétents devraient davantage collaborer et échanger de l’information ainsi que faire preuve de plus de transparence afin de réduire le fardeau administratif pour les établissements d’enseignement supérieur.
• Bâtir une culture dans laquelle s’effectuent en permanence l’examen de la qualité, la rétroaction et l’amélioration en mettant sur pied au sein de chaque établissement des processus solides d’assurance de la qualité qui reposent en grande partie sur l’expertise du corps professoral et qui tiennent compte du point de vue des étudiants.
• Coopérer avec leurs associations ainsi qu’avec les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux pertinents afin d’élaborer des principes et des pratiques efficaces en matière d’assurance de la qualité et les appliquer aux activités transfrontalières.
• Coopérer avec les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux pertinents afin d’améliorer l’échange d’information à l’échelle internationale ainsi que la coopération relative aux questions d’assurance de la qualité et de reconnaissance.
• Offrir une information fiable à la population, aux étudiants et aux gouvernements, de manière proactive, particulièrement en ce qui touche le statut juridique de l'établissement, le pouvoir de décerner des grades ou des diplômes, les cours offerts, les mécanismes d'assurance de la qualité ainsi que tous les autres faits pertinents proposés dans les codes de pratiques exemplaires.
Recommandations à l’intention des gouvernements
Relever les défis liés à l’éducation transfrontalière exigera un effort concerté non seulement de la part des fournisseurs d’enseignement supérieur mais aussi de la part des gouvernements et des autorités nationales compétentes. À cet égard, il est essentiel que des partenariats solides soient favorisés entre les établissements d’enseignement supérieur et leurs associations, d’une part, et entre les gouvernements et leurs organisations intergouvernementales, d’autre part. Nous croyons que la pierre angulaire de ces partenariats devrait être une vision partagée des principes et des politiques qui régissent la gestion de l’éducation transfrontalière.
Certains gouvernements tentent de gérer l’enseignement supérieur au delà des frontières par des systèmes commerciaux multilatéraux et régionaux conçus pour faciliter la circulation de biens et de services privés. Cette approche présente trois obstacles majeurs. Premièrement, les cadres commerciaux ne sont pas adaptés à l’éducation, à la recherche ou aux objectifs socioculturels globaux associés à l’enseignement supérieur au delà des frontières. Ensuite, la politique commerciale et la politique nationale en matière d’éducation pourraient entrer en conflit et mettre indûment en péril la capacité de l’enseignement supérieur d’accomplir sa mission sociale et culturelle. Enfin, l’application de règles commerciales à des systèmes nationaux complexes d’enseignement supérieur destinés à favoriser le bien public pourrait avoir des conséquences imprévues nuisibles à cette mission [5].
Ainsi, nous croyons que les accords et les politiques internationales en matière d’enseignement supérieur au-delà des frontières – particulièrement dans le cadre des discussions avec l’OMC et d’autres discussions commerciales – doivent aborder ces restrictions. Elles doivent respecter le droit des gouvernements et des organismes compétents nationaux de réglementer leurs systèmes d’éducation supérieure, de sauvegarder l’investissement public en enseignement supérieur afin d’atteindre leurs objectifs culturels, sociaux et économiques, et de favoriser l’accès et l’équité pour les étudiants.
En outre, les gouvernements doivent jouer un rôle constructif dans l’élaboration de cadres stratégiques nationaux et internationaux qui favorisent les contributions positives de l’enseignement supérieur au-delà des frontières à la société. À cette fin, nous recommandons que, afin de compléter les efforts des fournisseurs d’enseignement supérieur, les gouvernements adoptent le plan d’action suivant :
• Engager, avec les établissements d’enseignement supérieur et autres fournisseurs ainsi qu’avec les associations qui les représentent, un dialogue au sujet des principes énoncés dans cette déclaration, particulièrement lorsqu’il s’agit d’élaborer des politiques commerciales.
• Promouvoir et appuyer les partenariats en enseignement et en recherche ainsi que toute autre forme de coopération visant à renforcer les capacités des pays en développement en matière d’enseignement supérieur.
• Faire preuve d'engagement pour l'accès en augmentant l’aide accordée aux étudiants étrangers qualifiés qui ont des besoins financiers.
• Coopérer avec les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux pertinents afin que les établissements d’enseignement supérieur étrangers installés sur leur territoire aient les autorisations exigées et fassent l’objet de suivis.
• Coopérer avec les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux pertinents afin de diffuser le plus largement et le plus rapidement possible des renseignements exacts et facilement accessibles au sujet des établissements d’enseignement supérieur du pays ainsi que des pratiques de ces derniers en matière d’agrément et d’assurance de la qualité.
• Coopérer avec les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux pertinents afin d’améliorer les outils d’information pour que les renseignements précités soient systématiquement diffusés à l’échelle internationale.
Conclusion
Un enseignement supérieur au delà des frontières est un moyen prometteur d’améliorer l’équité, l’accès et la qualité en matière d’enseignement supérieur. La réalisation de son potentiel revient à de nombreux intervenants, dont les associations citées ci dessous et les établissements d'enseignement supérieur qu'elles représentent. Nous demandons avec insistance à tous ceux qui participent à la planification, à l’offre, à la surveillance et à la négociation de programmes d'enseignement supérieur au delà des frontières d'adhérer aux principes énoncés dans la présente déclaration et de mettre les mesures en œuvre. Nous prions également les gouvernements de porter cette déclaration à l'attention des organisations intergouvernementales dont le mandat comprend l’éducation supérieure ainsi que de faire en sorte que les valeurs, les principes de même que les rôles et responsabilités énoncés précédemment guident les débats et les interventions de ces organisations.
En prenant ces mesures, et en collaborant, nous aiderons à répondre au besoin urgent d'élaborer des cadres stratégiques nationaux et internationaux pour un enseignement supérieur de qualité au delà des frontières et à reconnaître la valeur d’une contribution continue de l’enseignement supérieur au bien collectif.
(Cette déclaration a été adoptée officiellement par les associations regroupant les établissements d’enseignement supérieur qui sont énumérées ci-dessous.)
Signataires (Cliquez ici)
________________________________________
[1] L’enseignement supérieur au delà des frontières est un phénomène aux multiples facettes qui comprend les mouvements de personnes (étudiants et professeurs), les fournisseurs (établissements d'enseignement supérieur présents physiquement ou virtuellement dans le pays hôte), et le contenu des programmes (tel que l’élaboration de programmes d’études conjoints). Ces activités se déroulent dans le cadre de projets coopératifs de développement, d’échanges et de liens entre universités et d’initiatives commerciales réalisés à l’échelle internationale.
[2] Ce groupe comprend les établissements et les nouveaux types de fournisseurs de programmes d’enseignement supérieur, qu’ils soient publics, privés ou à but lucratif.
[3] Voici un exemple représentatif, mais en aucune façon exhaustif, d'instruments, d’énoncés de principes, de tribunes et d'initiatives existants et connexes : Conventions régionales de l'UNESCO sur la reconnaissance des qualifications et des titres de compétence (voir www.unesco.org), Code de bonnes pratiques de l'UNESCO/du Conseil de l'Europe pour la prestation d'un enseignement transnational (voir www.cepes.ro), ébauche des lignes directrices de l’OCDE et de l’UNESCO sur la provision d’un enseignement supérieur au-delà des frontières (voir www.oecd.org), mise sur pied de l’European Higher Education Area (voir www.eua.be ou www.bologna-bergen2005.no), Déclaration d’Accra sur l’AGCS et l’Internationalisation de l’Enseignement Supérieur en Afrique (AUA, voir www.aau.org), Déclaration conjointe sur l’enseignement supérieur et l’AGCS (ACE/AUCC/ CHEA/EUA, voir www.unesco.org/iau ).
[4] Le terme « organismes compétents » est utilisé pour tenir compte du fait que dans un pays donné, l'autorité en matière d'enseignement supérieur relève de différents ordres de gouvernements, d’organisations non gouvernementales et d’établissements.
[5] Ceci est particulièrement vrai étant donné que l’article I:3 de l’AGCS est ambigu et porte à interprétation. C’est l’article qui traite des services ‘offerts dans l’exercice de l’autorité gouvernementale’ où ces services sont définis comme étant ‘ni offerts sur une base commerciale ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de service.
http://www.unesco.org/iau/p_statements/fre/index.html
Déclaration au nom d'établissements d'enseignement supérieur dans le monde entier
(Note au lecteur : Ce document, préparé par l’Association internationale des Universités (AIU), l’Association des universités et collèges du Canada (AUCC), l’American Council on Education (ACE) et le Council for Higher Education Accreditation (CHEA), a été distribué aux associations regroupant les établissements d’enseignement supérieur du monde entier en version préliminaire, de mai à septembre 2004, afin de recueillir leurs commentaires. La présente version tient compte de ces commentaires.)
Enjeu
La tradition universitaire d'échanges de personnel et d'idées entre pays contribue depuis longtemps à l'atteinte des objectifs culturels, sociaux et économiques de la société. Au cours des dernières années, il y a eu une multiplication impressionnante des initiatives d’enseignement supérieur au delà des frontières. Cette multiplication a été caractérisée par deux tendances dominantes. La première est la nécessité croissante pour les établissements d’enseignement supérieur de s’internationaliser, c’est à dire d’intégrer une composante internationale ou interculturelle aux activités d'enseignement, de recherche et de service à la communauté, afin d’accroître leur excellence académique et la pertinence de leur contribution aux sociétés. Les établissements d’enseignement supérieur ont beaucoup d’expérience dans ce domaine et leur collaboration avec leurs homologues du reste du monde s’accroît rapidement.
La seconde tendance est l’augmentation des activités axées sur le marché, poussées par la hausse de la demande en matière d'enseignement supérieur à l'échelle mondiale, la baisse du financement public dans de nombreux pays, la diversification des fournisseurs de programmes d’enseignement supérieur et les nouvelles méthodes de prestation des services. C’est précisément la poussée de cette seconde tendance ainsi que les questions complexes qu’elle soulève qui a incité la création du présent document.
La portée, la complexité et l’ampleur des activités transfrontières [1] créent de nouveaux enjeux et intensifient ceux qui existent déjà. Les principaux sont le besoin a) de garantir les diverses contributions culturelles, sociales et économiques globales de l’éducation supérieure et de la recherche, particulièrement à la lumière du rôle essentiel qu’elles jouent dans la société contemporaine fondée sur le savoir; b) de protéger les intérêts des étudiants et de faciliter leur mobilité; c) de renforcer la capacité des pays en développement d’améliorer l’accès à une éducation supérieure de qualité, surtout à une époque où l'écart se creuse entre les pays industrialisés et les pays en développement en matière de ressources et d’accès au savoir et; d) de préserver la diversité linguistique et culturelle au sein des programmes d’enseignement supérieur.
Le présent document s’appuie sur la conviction que les seules forces du marché sont inadéquates pour garantir que l’enseignement supérieur au-delà des frontières contribue au bien collectif. Il jette donc les bases de cadres stratégiques justes et transparents pour la gestion de l’enseignement supérieur au-delà des frontières, qui sont sous-tendus par un ensemble de principes directeurs et le recours au dialogue entre les parties intéressées. Ces cadres devraient aborder les enjeux auxquels nous faisons face dans l’élaboration et la participation à l’enseignement supérieur de qualité au-delà des frontières pour le bénéfice de tous, et faire en sorte que la contribution au bien collectif de l’enseignement supérieur au-delà des frontières n’est pas sacrifiée au profit d’intérêts commerciaux.
Auditoires
Cette déclaration s’adresse donc à deux auditoires : (1) les établissements d’enseignement supérieur et autres fournisseurs [2] ainsi que leurs associations non gouvernementales de partout au monde et (2) les gouvernements nationaux et leurs organisations intergouvernementales. Elle trace les grandes lignes des principes qui, selon les signataires, devraient guider les initiatives des établissements en matière d’enseignement au delà des frontières ainsi que les politiques et les positions gouvernementales dans le cadre de négociations commerciales. Elle recommande également des mesures précises qui renforcent ces principes.
En appuyant cette déclaration, les associations d’établissements d'enseignement supérieur énumérées à la fin de ce document manifestent leur intention a) de promouvoir chez leurs établissements membres des politiques et des pratiques fondées sur les principes et les mesures mises de l’avant dans la déclaration; b) de collaborer au niveau international afin de mettre en œuvre de tels cadres stratégiques; c) d’établir un dialogue avec leurs gouvernements et organisations intergouvernementales respectifs afin que les politiques et pratiques nationales et internationales favorisent l’application de ces principes et concrétisent ce plan d’action.
Principes pour l’enseignement supérieur au delà des frontières
Nous sommes convaincus que les activités transfrontières peuvent contribuer de façon substantielle à l’amélioration de l’enseignement supérieur, à condition qu’elles soient mises sur pied et offertes de façon responsable et efficace. Par conséquent, nous formulons les principes ci dessous afin de guider les mesures prises par tous les intervenants nommés dans la présente déclaration.
• L’enseignement supérieur au delà des frontières doit s'efforcer de contribuer au bien être économique, social et culturel général des collectivités.
• Bien que l’enseignement au-delà des frontières puisse circuler dans diverses directions et prendre place dans divers contextes, il doit renforcer la capacité des pays en développement en matière d'enseignement supérieur de façon à promouvoir l’équité à l’échelle mondiale.
• En plus de fournir une expertise disciplinaire et professionnelle, l’enseignement supérieur au delà des frontières doit s'efforcer d'inculquer aux apprenants la pensée critique sur laquelle reposent les principes de responsabilité civique aux échelons local, national et mondial.
• L’enseignement supérieur au delà des frontières doit être accessible non seulement aux étudiants qui ont les moyens de payer, mais aussi aux étudiants qualifiés qui ont des besoins financiers.
• L’enseignement supérieur au delà des frontières doit satisfaire aux mêmes normes élevées de qualité en matière d’enseignement et d’organisation, peu importe où l’enseignement est offert.
• L’enseignement supérieur au delà des frontières doit rendre des comptes au public, aux étudiants et aux gouvernements.
• L’enseignement supérieur au delà des frontières doit accroître les occasions de mobilité internationale pour les professeurs, les chercheurs et les étudiants.
• Les établissements d’enseignement supérieur et autres fournisseurs de d’enseignement supérieur au delà des frontières doivent fournir aux étudiants et aux parties intéressées de l’information claire et complète sur l’enseignement qu’ils offrent.
Recommandations pour les établissements d'enseignement supérieur et autres fournisseurs
En nous appuyant sur ces principes, nous endossons le programme d'action suivant pour qu'il soit adopté et mis en œuvre et par les établissements d'enseignement supérieur et autres fournisseurs qui participent à l'éducation au delà des frontières. Dans le but de bénéficier au mieux de l'expérience passée, les activités de mise en œuvre doivent reconnaître et, s’il y a lieu, mettre à profit les instruments juridiques, les énoncés de principes, les tribunes de débat et les initiatives qui sont conformes à ces principes et qui encouragent davantage la recherche et de dialogue sur les politiques [3].
• Se tenir au fait des questions liées à l’éducation et au commerce au delà des frontières afin de contribuer aux échanges qui ont lieu entre les associations et la participation de leurs associations à un dialogue constructif avec les gouvernements.
• S'efforcer de faire en sorte que l'enseignement supérieur au delà des frontières soit, de façon générale, socialement et économiquement bénéfique pour les collectivités du pays d’accueil, qu’il soit respectueux des cultures dans son approche et son contenu et qu'il contribue à renforcer la capacité locale en matière d'enseignement supérieur, par exemple, en collaborant, lorsque c’est opportun, avec les établissements locaux.
• Améliorer l'accès aux cours et aux programmes en offrant de l’aide aux étudiants qualifiés provenant d’autres pays qui ont des besoins financiers.
• Obtenir, de la part du gouvernement ou des organismes compétents [4] des pays d'origine et des pays d'accueil, l'autorisation appropriée pour diriger un établissement d'enseignement supérieur. Parallèlement, les gouvernements et les organismes compétents devraient davantage collaborer et échanger de l’information ainsi que faire preuve de plus de transparence afin de réduire le fardeau administratif pour les établissements d’enseignement supérieur.
• Bâtir une culture dans laquelle s’effectuent en permanence l’examen de la qualité, la rétroaction et l’amélioration en mettant sur pied au sein de chaque établissement des processus solides d’assurance de la qualité qui reposent en grande partie sur l’expertise du corps professoral et qui tiennent compte du point de vue des étudiants.
• Coopérer avec leurs associations ainsi qu’avec les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux pertinents afin d’élaborer des principes et des pratiques efficaces en matière d’assurance de la qualité et les appliquer aux activités transfrontalières.
• Coopérer avec les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux pertinents afin d’améliorer l’échange d’information à l’échelle internationale ainsi que la coopération relative aux questions d’assurance de la qualité et de reconnaissance.
• Offrir une information fiable à la population, aux étudiants et aux gouvernements, de manière proactive, particulièrement en ce qui touche le statut juridique de l'établissement, le pouvoir de décerner des grades ou des diplômes, les cours offerts, les mécanismes d'assurance de la qualité ainsi que tous les autres faits pertinents proposés dans les codes de pratiques exemplaires.
Recommandations à l’intention des gouvernements
Relever les défis liés à l’éducation transfrontalière exigera un effort concerté non seulement de la part des fournisseurs d’enseignement supérieur mais aussi de la part des gouvernements et des autorités nationales compétentes. À cet égard, il est essentiel que des partenariats solides soient favorisés entre les établissements d’enseignement supérieur et leurs associations, d’une part, et entre les gouvernements et leurs organisations intergouvernementales, d’autre part. Nous croyons que la pierre angulaire de ces partenariats devrait être une vision partagée des principes et des politiques qui régissent la gestion de l’éducation transfrontalière.
Certains gouvernements tentent de gérer l’enseignement supérieur au delà des frontières par des systèmes commerciaux multilatéraux et régionaux conçus pour faciliter la circulation de biens et de services privés. Cette approche présente trois obstacles majeurs. Premièrement, les cadres commerciaux ne sont pas adaptés à l’éducation, à la recherche ou aux objectifs socioculturels globaux associés à l’enseignement supérieur au delà des frontières. Ensuite, la politique commerciale et la politique nationale en matière d’éducation pourraient entrer en conflit et mettre indûment en péril la capacité de l’enseignement supérieur d’accomplir sa mission sociale et culturelle. Enfin, l’application de règles commerciales à des systèmes nationaux complexes d’enseignement supérieur destinés à favoriser le bien public pourrait avoir des conséquences imprévues nuisibles à cette mission [5].
Ainsi, nous croyons que les accords et les politiques internationales en matière d’enseignement supérieur au-delà des frontières – particulièrement dans le cadre des discussions avec l’OMC et d’autres discussions commerciales – doivent aborder ces restrictions. Elles doivent respecter le droit des gouvernements et des organismes compétents nationaux de réglementer leurs systèmes d’éducation supérieure, de sauvegarder l’investissement public en enseignement supérieur afin d’atteindre leurs objectifs culturels, sociaux et économiques, et de favoriser l’accès et l’équité pour les étudiants.
En outre, les gouvernements doivent jouer un rôle constructif dans l’élaboration de cadres stratégiques nationaux et internationaux qui favorisent les contributions positives de l’enseignement supérieur au-delà des frontières à la société. À cette fin, nous recommandons que, afin de compléter les efforts des fournisseurs d’enseignement supérieur, les gouvernements adoptent le plan d’action suivant :
• Engager, avec les établissements d’enseignement supérieur et autres fournisseurs ainsi qu’avec les associations qui les représentent, un dialogue au sujet des principes énoncés dans cette déclaration, particulièrement lorsqu’il s’agit d’élaborer des politiques commerciales.
• Promouvoir et appuyer les partenariats en enseignement et en recherche ainsi que toute autre forme de coopération visant à renforcer les capacités des pays en développement en matière d’enseignement supérieur.
• Faire preuve d'engagement pour l'accès en augmentant l’aide accordée aux étudiants étrangers qualifiés qui ont des besoins financiers.
• Coopérer avec les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux pertinents afin que les établissements d’enseignement supérieur étrangers installés sur leur territoire aient les autorisations exigées et fassent l’objet de suivis.
• Coopérer avec les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux pertinents afin de diffuser le plus largement et le plus rapidement possible des renseignements exacts et facilement accessibles au sujet des établissements d’enseignement supérieur du pays ainsi que des pratiques de ces derniers en matière d’agrément et d’assurance de la qualité.
• Coopérer avec les organismes gouvernementaux et non gouvernementaux pertinents afin d’améliorer les outils d’information pour que les renseignements précités soient systématiquement diffusés à l’échelle internationale.
Conclusion
Un enseignement supérieur au delà des frontières est un moyen prometteur d’améliorer l’équité, l’accès et la qualité en matière d’enseignement supérieur. La réalisation de son potentiel revient à de nombreux intervenants, dont les associations citées ci dessous et les établissements d'enseignement supérieur qu'elles représentent. Nous demandons avec insistance à tous ceux qui participent à la planification, à l’offre, à la surveillance et à la négociation de programmes d'enseignement supérieur au delà des frontières d'adhérer aux principes énoncés dans la présente déclaration et de mettre les mesures en œuvre. Nous prions également les gouvernements de porter cette déclaration à l'attention des organisations intergouvernementales dont le mandat comprend l’éducation supérieure ainsi que de faire en sorte que les valeurs, les principes de même que les rôles et responsabilités énoncés précédemment guident les débats et les interventions de ces organisations.
En prenant ces mesures, et en collaborant, nous aiderons à répondre au besoin urgent d'élaborer des cadres stratégiques nationaux et internationaux pour un enseignement supérieur de qualité au delà des frontières et à reconnaître la valeur d’une contribution continue de l’enseignement supérieur au bien collectif.
(Cette déclaration a été adoptée officiellement par les associations regroupant les établissements d’enseignement supérieur qui sont énumérées ci-dessous.)
Signataires (Cliquez ici)
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[1] L’enseignement supérieur au delà des frontières est un phénomène aux multiples facettes qui comprend les mouvements de personnes (étudiants et professeurs), les fournisseurs (établissements d'enseignement supérieur présents physiquement ou virtuellement dans le pays hôte), et le contenu des programmes (tel que l’élaboration de programmes d’études conjoints). Ces activités se déroulent dans le cadre de projets coopératifs de développement, d’échanges et de liens entre universités et d’initiatives commerciales réalisés à l’échelle internationale.
[2] Ce groupe comprend les établissements et les nouveaux types de fournisseurs de programmes d’enseignement supérieur, qu’ils soient publics, privés ou à but lucratif.
[3] Voici un exemple représentatif, mais en aucune façon exhaustif, d'instruments, d’énoncés de principes, de tribunes et d'initiatives existants et connexes : Conventions régionales de l'UNESCO sur la reconnaissance des qualifications et des titres de compétence (voir www.unesco.org), Code de bonnes pratiques de l'UNESCO/du Conseil de l'Europe pour la prestation d'un enseignement transnational (voir www.cepes.ro), ébauche des lignes directrices de l’OCDE et de l’UNESCO sur la provision d’un enseignement supérieur au-delà des frontières (voir www.oecd.org), mise sur pied de l’European Higher Education Area (voir www.eua.be ou www.bologna-bergen2005.no), Déclaration d’Accra sur l’AGCS et l’Internationalisation de l’Enseignement Supérieur en Afrique (AUA, voir www.aau.org), Déclaration conjointe sur l’enseignement supérieur et l’AGCS (ACE/AUCC/ CHEA/EUA, voir www.unesco.org/iau ).
[4] Le terme « organismes compétents » est utilisé pour tenir compte du fait que dans un pays donné, l'autorité en matière d'enseignement supérieur relève de différents ordres de gouvernements, d’organisations non gouvernementales et d’établissements.
[5] Ceci est particulièrement vrai étant donné que l’article I:3 de l’AGCS est ambigu et porte à interprétation. C’est l’article qui traite des services ‘offerts dans l’exercice de l’autorité gouvernementale’ où ces services sont définis comme étant ‘ni offerts sur une base commerciale ni en concurrence avec un ou plusieurs fournisseurs de service.
http://www.unesco.org/iau/p_statements/fre/index.html