On a beaucoup écrit sur le fameux "Dahir berbère" depuis sa promulgation en date du 16 mai 1930 par la France. On répétait depuis, et sans relâche, qu'il comportait des dispositions racistes, visant à la division ethnique des Marocains entre "Berbères" et "Arabes" en vue de rompre leur unité et les affaiblir, afin de les soumettre et les vaincre facilement. Aussi que son objectif était de combattre l'Islam et la langue arabe en instituant des lois coutumières antéislamiques et en décrétant l'enseignement de Tamazight aux "Berbères" pour les rallier et les soulever contre l'Islam, contre les Arabes et contre la langue arabe !
Voilà en bref, le "Dahir berbère" tel que nous le décrit une abondante littérature. Il va de soi que tout marocain, quelles que soient ses convictions idéologiques et politiques, ne peut que contester ce Dahir et maudire, mille fois, les autorités coloniales qui l'ont crée.
Même beaucoup d'imazighens voient le "Dahir berbère" comme un épouvantail effrayant et désespérant, chaque fois qu'il est question de l'enseignement de tamazight, criant qu'il s'agit du maudit Dahir, avec tout ce que cela implique de menaces pour l'unité nationale, de dérive séparatiste et de manipulation étrangère et impérialiste.
La défense des imazighens se limite le plus souvent, à argumenter que ce ne sont pas eux qui ont dicté ledit Dahir, qu'ils n'y étaient pour rien et qu'il est injuste de les culpabiliser.
Au cours de la projection d’un documentaire sur le rif à l’Ecole Supérieure Roi Fahd de Traduction à Tanger, mes collègues ont parlé dudit Dahir et à force d’entendre ce débat plusieurs fois, je suis devenu curieux et je me demandais alors pourquoi aucun d'eux n'avait cité aucun article de ce dahir, car on mentionne le "Dahir berbère" sans jamais en citer un seul article, pourquoi?
J'ai alors décidé de me procurer le texte intégral du "Dahir berbère" et j'ai réussi à avoir le texte français. À la lecture du texte du Dahir, je fus bien étonné ! Je ne croyais pas ce que je lisais : le texte du 16 mai 1930 n'avait rien à voir avec toute la propagande qu'a suscité le Dahir berbère.
A savoir :
1- Tout d'abord, légalement ce dahir ne s'appelle pas "Dahir berbère" et cette appellation n'a jamais été mentionnée dans les huit articles qui le composent. On y trouve seulement le mot "Dahir" comme c'est le cas de dizaines de textes législatifs. Son intitulé exact tel que le lui a donné le législateur est : "Dahir réglementant le fonctionnement de la justice dans les tribus de coutumes berbères".
Donc, comme l'indique son titre, c'était bien de la réglementation de la justice coutumière dont il s'agissait et rien d'autre.
2 - L'examen du dahir lui-même ne permet de relever aucune disposition constituant un facteur de division. L'article premier du texte apporte même un démenti formel aux tenants de cette thèse en stipulant que cette loi s'appliquait aux sujets marocains arabes ou berbères, musulmans ou juifs, citadins ou ruraux.
Le critère retenu est non pas ethnique, mais socia1 consistant en la présence et la pratique des coutumes berbères.
Le "Dahir du 16/05/1930 concerne donc toutes les tribus où l'usage du droit coutumier berbère est courant, indépendamment de leur origine ethnique et raciale.
Il n'a rien à voir donc avec une soi-disant division ethnique des Marocains entre "Berbères" et "Arabes", comme l'a interprété le mouvement nationaliste. Il fait partie, plutôt, de la division judiciaire du royaume en "tribunaux modernes", "tribunaux religieux" et "tribunaux coutumiers".
3- On a fait penser que le "Dahir" du 16/05/1930 a institué des lois païennes et antéislamiques, dans le but de détourner les "Berbères" de l'Islam pour entamer ensuite leur christianisation.
Pourtant, on relève que :
a) - Les "coutumes berbères" dont parle le Dahir du 16/05/1930 n'étaient pas étrangères aux marocains et à leur religion. Elles n'étaient pas élaborées et imposées par la France coloniale. Elles existaient bien avant le protectorat, pratiquées depuis longtemps pour trancher sur les litiges et préserver l'équilibre et l'unité de la tribu et de la société. Et jamais un musulman n'a fait remarquer que les Berbères, ou les membres d'autres tribus arabes de mêmes coutumes, n'étaient pas musulmans, ou moins musulmans que les autres.
b) - Le dahir précise que son application concerne "les tribus de costume berbère non pourvues de Mahkama pour l'application du chriaâ". Il n'a pas donc supprimé les tribunaux islamiques pour les substituer par des tribunaux coutumiers. Bien sûr, l'absence de tribunaux islamiques, qui n'existaient d'ailleurs que dans les grands centres urbains, ne signifie nullement l'bsence de la loi islamique, puisque celle-ci était intégrée au droit coutumier lui-même.
d)- Les nationalistes marocains ont rejeté violemment le Dahir du 16/05/1930 par dévouement à l'Islam, et pourtant ils n'ont pas réagi de la même façon à l'arsenal de lois contraires à la Chariâ isla¬mique que la France a introduites au Maroc depuis 1913.
Et ce qui est déconcertant à ce sujet c'est de constater que dans une lettre adressée à feu S.M. le Roi Mohammed V, le 23 août 1930, le mouvement dit nationaliste avait parmi ses revendications demandé de substituer aux tribunaux coutumiers les juridictions caidales qui n'appliquaient pourtant pas la Chariâa, loin s'en faut, mais en plus étaient entièrement au service des intérêts de l'occupant.
4- Les "nationalistes" ont répandu la fausse idée que le Dahir visait à privilégier et rehausser le statut des "Berbères" pour gagner leur faveur et les rallier contre les "arabes". Mais quand on lit le Dahir, on ne trouve aucune disposition qui va dans ce sens. C'est plutôt le contraire qui est exact : on peut considérer le Dahir du 16/5/1930 comme un châtiment dirigé contre les "Berbères", qui vise à les maintenir dans le sous-développement rural et les isoler de la civilisation urbaine, loin de toute modernité. Et cela à cause de leur résistance et leur refus de collaborer avec la puissance coloniale.
5 - Enfin, chaque fois qu'on parle de l'enseignement de Tamazight, on nous rappelle le "Dahir berbère", nous faisant croire par là que c'est ce dernier qui a décrété l'enseignement de Tamazight pendant la période coloniale. Alors que ce dernier n'a rien à voir avec la langue Amazigh et son enseignement. Il n'y a fait aucune allusion.
Cette comparaison entre le Dahir du 16/5/1930 et ce qu'on a fait croire être le "Dahir berbère" fait ressortir "deux" dahirs complètement différents : le dahir colonialiste du 16/5/1930 et le Dahir berbère.
Ce dernier, tel qu'il a été mis en cause par le Mouvement nationaliste n'a jamais existé. C'est une pure fiction basée sur de fausses allégations écrites par des opportunistes qui n'ont pas eu des scrupules à semer le trouble dans l'esprit des gens pour légitimer l'existence de leur mouvement.
Si le Dahir colonialiste du 16/05/1930 a été abrogé après l'indépendance, le "Dahir berbère" nationaliste, lui, est toujours en vigueur. A chaque fois que la question amazighe (berbère) est soulevée, le Mouvement nationaliste le déterre et l'utilise comme un moyen d'intimidation et de pression pour dissuader toute revendication identitaire et culturelle amazighes. Jamais un décret de loi n'a été aussi célèbre et aussi vivace. Il est comme tout mythe, rebelle à toute destruction.
Beaucoup d'Amazighs n'ayant jamais lu un seul article de ce texte, ignorent pour cette raison même ce qu'il englobe, n'osent même pas en parler ou se défendre contre toutes les accusations dont on les accablent. Ce mot même Dahir berbère évoque le malaise et la honte dans l'esprit de tous. Il est perçu comme une tache noire dans l'histoire des Amazighs.
Voilà en bref, le "Dahir berbère" tel que nous le décrit une abondante littérature. Il va de soi que tout marocain, quelles que soient ses convictions idéologiques et politiques, ne peut que contester ce Dahir et maudire, mille fois, les autorités coloniales qui l'ont crée.
Même beaucoup d'imazighens voient le "Dahir berbère" comme un épouvantail effrayant et désespérant, chaque fois qu'il est question de l'enseignement de tamazight, criant qu'il s'agit du maudit Dahir, avec tout ce que cela implique de menaces pour l'unité nationale, de dérive séparatiste et de manipulation étrangère et impérialiste.
La défense des imazighens se limite le plus souvent, à argumenter que ce ne sont pas eux qui ont dicté ledit Dahir, qu'ils n'y étaient pour rien et qu'il est injuste de les culpabiliser.
Au cours de la projection d’un documentaire sur le rif à l’Ecole Supérieure Roi Fahd de Traduction à Tanger, mes collègues ont parlé dudit Dahir et à force d’entendre ce débat plusieurs fois, je suis devenu curieux et je me demandais alors pourquoi aucun d'eux n'avait cité aucun article de ce dahir, car on mentionne le "Dahir berbère" sans jamais en citer un seul article, pourquoi?
J'ai alors décidé de me procurer le texte intégral du "Dahir berbère" et j'ai réussi à avoir le texte français. À la lecture du texte du Dahir, je fus bien étonné ! Je ne croyais pas ce que je lisais : le texte du 16 mai 1930 n'avait rien à voir avec toute la propagande qu'a suscité le Dahir berbère.
A savoir :
1- Tout d'abord, légalement ce dahir ne s'appelle pas "Dahir berbère" et cette appellation n'a jamais été mentionnée dans les huit articles qui le composent. On y trouve seulement le mot "Dahir" comme c'est le cas de dizaines de textes législatifs. Son intitulé exact tel que le lui a donné le législateur est : "Dahir réglementant le fonctionnement de la justice dans les tribus de coutumes berbères".
Donc, comme l'indique son titre, c'était bien de la réglementation de la justice coutumière dont il s'agissait et rien d'autre.
2 - L'examen du dahir lui-même ne permet de relever aucune disposition constituant un facteur de division. L'article premier du texte apporte même un démenti formel aux tenants de cette thèse en stipulant que cette loi s'appliquait aux sujets marocains arabes ou berbères, musulmans ou juifs, citadins ou ruraux.
Le critère retenu est non pas ethnique, mais socia1 consistant en la présence et la pratique des coutumes berbères.
Le "Dahir du 16/05/1930 concerne donc toutes les tribus où l'usage du droit coutumier berbère est courant, indépendamment de leur origine ethnique et raciale.
Il n'a rien à voir donc avec une soi-disant division ethnique des Marocains entre "Berbères" et "Arabes", comme l'a interprété le mouvement nationaliste. Il fait partie, plutôt, de la division judiciaire du royaume en "tribunaux modernes", "tribunaux religieux" et "tribunaux coutumiers".
3- On a fait penser que le "Dahir" du 16/05/1930 a institué des lois païennes et antéislamiques, dans le but de détourner les "Berbères" de l'Islam pour entamer ensuite leur christianisation.
Pourtant, on relève que :
a) - Les "coutumes berbères" dont parle le Dahir du 16/05/1930 n'étaient pas étrangères aux marocains et à leur religion. Elles n'étaient pas élaborées et imposées par la France coloniale. Elles existaient bien avant le protectorat, pratiquées depuis longtemps pour trancher sur les litiges et préserver l'équilibre et l'unité de la tribu et de la société. Et jamais un musulman n'a fait remarquer que les Berbères, ou les membres d'autres tribus arabes de mêmes coutumes, n'étaient pas musulmans, ou moins musulmans que les autres.
b) - Le dahir précise que son application concerne "les tribus de costume berbère non pourvues de Mahkama pour l'application du chriaâ". Il n'a pas donc supprimé les tribunaux islamiques pour les substituer par des tribunaux coutumiers. Bien sûr, l'absence de tribunaux islamiques, qui n'existaient d'ailleurs que dans les grands centres urbains, ne signifie nullement l'bsence de la loi islamique, puisque celle-ci était intégrée au droit coutumier lui-même.
d)- Les nationalistes marocains ont rejeté violemment le Dahir du 16/05/1930 par dévouement à l'Islam, et pourtant ils n'ont pas réagi de la même façon à l'arsenal de lois contraires à la Chariâ isla¬mique que la France a introduites au Maroc depuis 1913.
Et ce qui est déconcertant à ce sujet c'est de constater que dans une lettre adressée à feu S.M. le Roi Mohammed V, le 23 août 1930, le mouvement dit nationaliste avait parmi ses revendications demandé de substituer aux tribunaux coutumiers les juridictions caidales qui n'appliquaient pourtant pas la Chariâa, loin s'en faut, mais en plus étaient entièrement au service des intérêts de l'occupant.
4- Les "nationalistes" ont répandu la fausse idée que le Dahir visait à privilégier et rehausser le statut des "Berbères" pour gagner leur faveur et les rallier contre les "arabes". Mais quand on lit le Dahir, on ne trouve aucune disposition qui va dans ce sens. C'est plutôt le contraire qui est exact : on peut considérer le Dahir du 16/5/1930 comme un châtiment dirigé contre les "Berbères", qui vise à les maintenir dans le sous-développement rural et les isoler de la civilisation urbaine, loin de toute modernité. Et cela à cause de leur résistance et leur refus de collaborer avec la puissance coloniale.
5 - Enfin, chaque fois qu'on parle de l'enseignement de Tamazight, on nous rappelle le "Dahir berbère", nous faisant croire par là que c'est ce dernier qui a décrété l'enseignement de Tamazight pendant la période coloniale. Alors que ce dernier n'a rien à voir avec la langue Amazigh et son enseignement. Il n'y a fait aucune allusion.
Cette comparaison entre le Dahir du 16/5/1930 et ce qu'on a fait croire être le "Dahir berbère" fait ressortir "deux" dahirs complètement différents : le dahir colonialiste du 16/5/1930 et le Dahir berbère.
Ce dernier, tel qu'il a été mis en cause par le Mouvement nationaliste n'a jamais existé. C'est une pure fiction basée sur de fausses allégations écrites par des opportunistes qui n'ont pas eu des scrupules à semer le trouble dans l'esprit des gens pour légitimer l'existence de leur mouvement.
Si le Dahir colonialiste du 16/05/1930 a été abrogé après l'indépendance, le "Dahir berbère" nationaliste, lui, est toujours en vigueur. A chaque fois que la question amazighe (berbère) est soulevée, le Mouvement nationaliste le déterre et l'utilise comme un moyen d'intimidation et de pression pour dissuader toute revendication identitaire et culturelle amazighes. Jamais un décret de loi n'a été aussi célèbre et aussi vivace. Il est comme tout mythe, rebelle à toute destruction.
Beaucoup d'Amazighs n'ayant jamais lu un seul article de ce texte, ignorent pour cette raison même ce qu'il englobe, n'osent même pas en parler ou se défendre contre toutes les accusations dont on les accablent. Ce mot même Dahir berbère évoque le malaise et la honte dans l'esprit de tous. Il est perçu comme une tache noire dans l'histoire des Amazighs.